AN PAR AN, Chronique d'une jeunesse drouaise.
J'ai fait le pari de raconter une vie, annèe par année. La chronique
d'une vie drouaise, ou plutôt d'une jeunesse drouaise :de 1946 à 1967. Chaque semaine, une année.....
J'y raconte mon enfance à Dreux, mais je m'attache surtout à décrire tout ce que j'ai pu observer dans la vie drouaise de l'époque...
Les personnes, les lieux, l'histoire et les petites histoires drouaises, des portraits, des atmosphéres, des anecdotes. , bref, tout ce qui fait le sel d'une vie et fournit la mémoire
en souvenirs de toutes sortes..et que peut être certains Drouais reconnaîtront..
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1 9 5 9- La pension
(Quatrième partie.)
Une nouvelle semaine commence…
Le Collége National Technique et Moderne Jules ferry changera plusieurs fois de statut entre 1959 et 1967 pour finir lycée d’Etat. Mais entre nous, nous appelons notre bahut la « boite à Jules. ». Ce n’est pas le « bon « lycée de Versailles. Le vrai de vrai, celui des bourgeois Versaillais, c’est le lycée Hoche. Ils nous regardent de haut, ceux de Hoche, quand nous nous croisons dans la rue. Cela se règle souvent sur le terrain du stade Montbauron ou celui de Porchefontaine en particulier pendant les matchs de rugby du jeudi après midi. Moi je reste toujours prudemment spectateur. Je suis bigleux et peu sportif.
Les bâtiments du de la boite à Jules sont situés pas trés loin du château de Versailles. Dans le quartier St Louis presque en face de la cathédrale, coincés entre le petit séminaire (le grand est un peu plus loin vers la gare des chantiers), le potager du roi où loge l’école d’horticulture et par derrière, la pièce d’eau des Suisses.
La ville de Versailles en cette année 1959, à part une certaine haute bourgeoisie est peuplée en grande partie de militaires (casernes des écuries petites et grandes, d’annexes directes du château, de l’avenue de Sceaux et de bien d’autres endroits) de futurs curés (deux séminaires, l’écrivain Roger Peyrefitte en a parlé dans ses bouquins) de collégiens et lycéens.
Un petit truc rigolo : de la cour de récréation et même de l’intérieur des classes on entend très nettement braire de façon incongrue l’âne qui broute dans le jardin du séminaire. Ce qui donne de l’animation pendant les cours et le rappel à l’ordre des professeurs.
Le bâtiment de l’internat est celui d’un ancien hôtel particulier du 18ème siècle. Il parait qu’un architecte de l’époque se serait offert ce bâtiment avec les pierres non utilisées lors de la construction de la cathédrale st Louis dont il en était le maître d’œuvre. Assez difficile à croire n’est-ce pas ?
Un grand bâtiment en brique lui fait face de l’autre côté d’une cour bordée d’arbres. Il comporte les bureaux administratifs (celui du Directeur, du surveillant général de l’intendant). Et sur trois étages, la majorité des classes.
La « boite à Jules » est un grand bahut qui va de la classe de sixième au bac, (bac classique en deux parties) avec des sections techniques (prépa aux écoles d'ingénieur) et même un centre d’apprentissage. Prés de deux mille élèves. Tous des garçons, bien sûr Les internes, désignés par leur blouse grise sont un peu moins de quatre cent.
Ma blouse est un peu trop longue pour moi, de grise bien repassée elle devient en fin semaine un chiffon souvent déchiré, toujours maculé de tâches multiples et variées. De la sauce du repas à l’encre bleu noir en passant par plein d’autre choses souvent peu recommandables. Je perds régulièrement la ceinture en tissus
Petit à petit j’apprends le métier difficile de collégien catégorie interne. C’est parfois douloureux, mais j’organise comme je peux ma nouvelle vie, je l’apprivoise. Je m’habitue peu à peu aux obligations d’étudier, de respecter le règlement interne, de vivre au rythme imposé par la collectivité. Je résiste même aux vexations qu’essayent de nous infliger les anciens en voulant copier le bizutage de l’école d’horticulture proche. Le surgé heureusement veille Je commence à pratiquer une tactique que j’aurais toute ma vie : Me fondre dans le groupe, m’y faire apprécier, mais en gardant toujours mon indépendance et ma liberté d’esprit et de mouvement. Mais cela peut conduire à une certaine solitude que j’assume pleinement.
Le Directeur, Monsieur Jousse est un homme âgé, prés de la retraite c’est un ancien de 14/18. Un homme assez effacé. Nous le voyons peu, nous les élèves. C’est le surveillant général, le « surgé » qui est pratiquement notre interlocuteur unique.
Quelque jours avant le onze Novembre, je suis désigné (je ne sais pourquoi ni comment) avec une bonne dizaines de mes camarades pour assister à une petite cérémonie du souvenir. Nous nous réunissons dans le vestibule d’entrée en face de la loge de la concierge devant une plaque en marbre sur laquelle sont gravés les noms des professeurs et personnels de l’école « morts pour la France » lors des deux guerres mondiales. Monsieur Jousse est présent, en costume gris vert, des décorations multicolores accrochées sur sa poitrine. Son visage est sombre. Il nous tient un petit discours sur la guerre, l’héroïsme, les valeurs de la république etc. Puis, lentement, presque à voix basse, il nous parle de sa propre expérience. Engagé à 18 ans, Verdun, le Chemin des Dames. Inconsciemment je pense à mon grand-père tué à Verdun. Il nous dit aussi que le 11 novembre 1918, il se trouvait dans un hôpital militaire à la suite d’une blessure. Cela nous explique pourquoi Mr Jousse claudique en marchant. Une certaine émotion s’empare de mes camarades et moi. Les adultes présents semblent aussi émus que nous
L’apprentissage de ma nouvelle condition tire à sa fin. Je deviens peu à peu un pro de l’internat collégien.
L’année 1959 se termine en douceur pour moi. Je n’ai jamais autant apprécié les vacances scolaires. J’en profite pour me faire chouchouter par mes parents. Me retrouver seul dans une chambre, dans un lit normal, prendre mes repas dans le calme, faire ma toilette confortablement, me lever et me coucher un peu aux horaires qui me conviennent, ne plus être coincé entre les quatre murs de la cour de récréation, sortir dans Dreux, faire du vélo à la campagne. .Quel bonheur retrouvé pour quelques jours.
L’année 1959 apporte aussi beaucoup de changements :
-En France :
-Une nouvelle république, la cinquième.
-Un nouveau Président, le Général de Gaulle.
-Un nouveau Franc prévu pour le premier Janvier de l’an prochain.
-Un ancien ministre de la quatrième république se fait canarder au bazooka Avenue de l’Observatoire à Paris. Bizarre autant qu’étrange.
-Un beau mariage : BB, Brigitte Bardot se marie avec un presque inconnu Jacques Charrier.
-Mais aussi de tristes nouvelles :
La disparition de Boris Vian, de Gérard Philipe.
Une catastrophe nationale (prés de 400 morts) : Le barrage de Malpasset craque en lâchant une vague de dix mètres de haut qui dévale à soixante-dix kilomètres heure jusqu’à Fréjus et la mer en dévastant tout sur son passage.
-Dans le monde : Il y a des gens bizarre à New York : les beatniks….
-A Cuba le début du règne des barbus.
-Le Dalaï Lama quitte le Tibet sous occupation chinoise.
-La « guerre » d’Algérie se durcit.Les révoltes sanglantes commencent au Congo Belge.
-La liberté, la démocratie sont des valeurs encore peu partagée dans ce bas monde. Peut être qu’un jour….
-A Dreux : Début décembre, Edith Piaf s’écroule dans son tour de chant à la salle des fêtes. C’est le début pour elle d’un long calvaire.
-Maurice VIOLLETTE (89 ans) maire de Dreux depuis 1908 laisse son fauteuil municipal à Georges RASTEL.