AN PAR AN, Chronique d'une
jeunesse drouaise.
J'ai fait le pari de raconter une vie, annèe par année. La chronique d'une
vie drouaise, ou plutôt d'une jeunesse drouaise :de 1946 à 1967. Chaque semaine, une année....J'y raconte mon enfance à Dreux, mais je m'attache surtout à décrire tout ce que j'ai pu
observer dans la vie drouaise de l'époque. Les personnes, les lieux, l'histoire et les petites histoires drouaises, des portraits, des atmosphéres, des anecdotes. , bref, tout ce qui
fait le sel d'une vie et fournit la mémoire en souvenirs de toutes sortes..et que peut être certains Drouais reconnaîtront.. Pour vous permettre de lire ou relire le feuilleton depuis le
début :cliquez sur :
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1 9
61- (Troisième partie.)
Cette année 1961
voit intervenir dans ma vie peu à peu des événements qui plus tard feront partie de l’Histoire et de mon histoire.
Un dimanche soir, le 23 Avril en
arrivant au collège les conversations entre internes et pions sont agitées. Depuis vendredi dernier une partie de l’armée, surtout un régiment de parachutistes, commandée par trois généraux, contrôle l’Algérie. C’est une révolte, une prise de pouvoir, un coup d’Etat, un « putsch. » comme disent
certains.
Le Président De gaulle à
20 heures, vêtu de son ancien uniforme de général, est apparu à la télévision et a prononcé un discours appelant les soldats d'Algérie, les Français, d'Algérie ou de métropole, à refuser
le coup d'État ; il informe également des mesures qu'il prend :
-« Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en
Algérie Ce pouvoir a une apparence : un « quarteron » de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers,
partisans, ambitieux et fanatiques. Voici l'État bafoué, la Nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis. Et par
qui ? « Hélas ! » « Hélas ! » « Hélas ! ». Par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir et d'obéir. A partir
d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances. Françaises, Français ! Aidez-
moi! ».
Ce mot,
« hélas! » répété trois fois ainsi que le terme discuté par les linguistes de « quarteron » resteront dans les anales gaulliennes.
Je n’ai pas entendu le discours, j’étais dans le train venant de
Dreux.
Le brouhaha dans l’étude avant d’aller se coucher est
total :
-«Ils veulent renverser le général ». Crient les uns.
-«Il a menti, Il trahit ceux
qui battent depuis 7 ans, il veut céder devant le F.L.N et donner l’indépendance à l’Algérie » hurlent les autres.
-« Tous les anciens pays de l’A.E.F. et de l’A.O.F (Afrique
équatoriale et L’Afrique occidentale Française) ont leur indépendance depuis l’an dernier. Pourquoi pas l’Algérie ? ».
-« La France ne doit plus avoir de colonies »
-« Mais l’Algérie n’est pas une
colonie ».
-« Mon grand frère a été tué par les fellagas, pour rien
alors ?.. »
Cela aurait pu se terminer en pugila général mais le surgé est intervenu.
Le surgé est un « pied noir » venant d’Oran. On lui a demandé ce qu’il en pense, il n’a pas voulu nous répondre…
-« Tout le monde au lit et en
silence. »
Le dortoir a longtemps bourdonné de conversations à voix basse, puis le
silence s’est peu à peu installé dans l’internat.
Vers une heure
du matin, brusquement, tout s’est mis à trembler : les vitres des fenêtres, nos lits en fer, les tables de nuits, les chaises, les portes. Un bruit assourdissant, vrombissant
dans l’avenue Joffre. Des lumières fulgurantes perçantes s’infiltrent dans nos dortoirs.
-" Les tanks" Hurle une voix stridente.
Aussitôt, une galopade, une bousculade effrénée vers les baies vitrées.
Nous ouvrons les fenêtres et les plus courageux en pyjama s’entassent sur les minis balcons. Il fait froid, nous sommes en Février.
En effet, nous voyons une bonne dizaine de chars d’assaut descendre lentement, au pas, l’Avenue Joffre dans un boucan assourdissant de moteurs, de cliquetis de chenilles et de crissements sur le
bitume. D’énormes bouffées de fumée noire s’échappent de ces mastodontes. Le spectacle et impressionnant.
Mais les pions nous font
rentrer au chaud. L’un d’eux nous dit avoir écouté la radio. Le premier ministre Michel Debré a appelé la population à se rendre sur les aéroports
« à pied, à cheval ou en voiture », « dès que les sirènes retentiront », pour « convaincre les soldats engagés trompés de leur lourde erreur » et repousser les putschistes.
On s'attend en effet à des parachutages ou des atterrissages de troupes factieuses sur les aéroports de
métropole..
Les chars qui continuent à faire frémir les fenêtres du collège descendent
du camp militaire de Satory à deux Kilomètres à peine. Ils se dirigent donc vers Paris pour empêcher que n’atterrissent sur Paris les parachutistes venus d’Alger.
Les pions arrivent difficilement à nous faire remettre au lit. Nous dormons
peu car pendant une bonne partie de la nuit, par intermittence, les lourds engins vont perturber la nuit Versaillaise.
Le lendemain, nous apercevons les dégâts provoqués par ces pachydermes chenillés.
L’asphalte de l’Avenue Joffre est labouré, les trottoirs complètements défoncés par endroits.
Le putsch au bout de trois jours, le mercredi 26 Avril, va faire
pschitt….Les généraux réfractaires à De Gaulle se sont rendus ou se sont échappés. Mais une autre menace apparaît. : L’O.A.S.
Les chars d’assaut, à part démolir les rues, n’ont donc servi à
rien.
Ils sont rentrés dans leurs casernes mais certainement pas par le même
chemin, car on ne les a pas revus.
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A SUIVRE : Jeudi prochain : 1961 (quatrième partie).
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