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AN PAR
AN, Chronique d'une jeunesse drouaise.
J'ai fait le pari de raconter une vie, annèe par année.
La chronique d'une vie drouaise, ou plutôt d'une jeunesse drouaise :
de 1946 à 1967. Chaque semaine, une année.....
J'y raconte mon enfance à Dreux, mais je m'attache surtout à décrire tout ce que j'ai pu observer dans la vie drouaise de l'époque...
Les personnes, les lieux, l'histoire et les petites histoires drouaises, des portraits, des atmosphéres, des anecdotes. , bref, tout ce qui fait le sel d'une vie et fournit la mémoire
en souvenirs de toutes sortes..et que peut être certains Drouais reconnaîtront..
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1 9 5 3-seconde partie.
Papa s’il boit très modérément du vin, est avant tout un amateur de cidre. Il en boit
régulièrement à chaque repas et quand il fait chaud. Il ne faut pas oublier les origines normandes de la famille. D’ailleurs il m’arrive à moi aussi d’en boire de temps en temps et pas toujours
coupé d’eau.
Papa essaye laborieusement de faire son cidre lui-même. Un de ses copains d’école le fournit en pommes de son verger. Ce copain a le même prénom que Papa, « Maurice » c’est pour cela que leurs camarades d’école les appelaient « les deux Maurice » car ils étaient inséparables.
Ce copain Maurice a une profession bizarre : il est vidangeur. Vous savez bien, le monsieur qui vient enlever tout le caca emmagasiné dans la fosse sceptique. Il est venu plusieurs fois à la maison pour cela. Avec son apprenti, (eh oui ! il y a aussi des apprentis vidangeurs) il a introduit un long tuyau de caoutchouc dans la fosse ouverte. Je ne savais pas que cela sentait aussi mauvais. Je m’en pince encore le nez. Puis il a mis une pompe bruyante et fumante en marche et tout a été transvasé dans un veux camion citerne poussif. Ensuite il va faire couler tout cela dans un champ d’épandage. Maurice en possède ainsi plusieurs autour de Dreux. Ils sont reconnus de loin à leur odeur. Sur un des ces champs qu’il m’arrive souvent de longer en accélérant le pas, verra dans une vingtaine d’année se construire le nouvel hôpital.
Le tout à l’égout est loin d’exister partout à Dreux. Et d’ailleurs les fosses sceptiques ne sont souvent que de simples trous aménagés dans la terre. Ma maison s’il elle possède une fosse sceptique aux normes, ne sera toujours pas reliée à un réseau de tout à l’égout au début du lointain prochain siècle.
Bon, si on revenait à un sujet bien plus odorant :
Le cidre à la Papa. Maurice
amène à Papa un tombereau de pommes de son verger dans son tracteur (pas celui qui sert à la vidange, bien sûr). Les trois pommiers que nous avons dans le jardin produisent des pommes comme l’on
dit « à couteau « , c'est-à-dire qu’on épluche pour les manger ou en faire tartes et confitures, et non pour en faire du cidre….c’est pour cela que Papa a besoin des pommes de
Maurice….
Papa a récupéré je ne sais où du matériel pour faire du cidre. Un moulin, un pressoir et quelques tonneaux. C’est drôle le moulin, on tourne une grande manivelle en fer sur le coté d’un cône carré en bois. (Un cône carré, je ne sais pas si cela existe, mais je ne serais toujours un cancre en géométrie, alors sans complexe , un cône carré ) Les pommes écrasées sont transvasées dans le pressoir. Une grande barre que l’on pousse en tournant le long d’une vis….Et le jus atterrit dans les tonneaux…
Je ne verrais l’opération que deux ou trois fois car Papa n’est pas très doué (chacun son métier).et le cidre n’est pas très
bon…
Papa expliquera plus tard qu’il a arrêté de faire du cidre, parce que les tonneaux étaient percés et qu’il ne savait pas les réparer alors que son grand père était tonnelier. Il possède d’ailleurs dans son atelier des outils de
tonnelier dont il ne connaît pas le maniement. Pour avoir du cidre, du bon, il suffit de descendre la rue, cher Vandier ou ils en vendent en provenance directe d’une ferme de Chauffours. Papa les
ramène par six dans son porte bouteilles en fer torsadé et à la poignée de bois rond.
Ma deuxième année scolaire se déroule bien :
Je vais maintenant à l’école blanche sur mon petit vélo rouge, prés d’un kilomètre quand même et j’ai sept ans à peine.. Maman m’accompagne le plus souvent possible avant d’aller travailler, ou vient me chercher le soir après l’étude. Avant la rentrée scolaire, Maman avait étudié avec moi le parcours à suivre. . Elle avait même averti une de ses amies, avec mission de surveiller mon passage lors de mes trajets solitaires. Mais le chemin qui me fait passer devant les fenêtres de cette brave dame est, dés qu’il pleut, transformé en bourbier infranchissable pour le petit vélo et son cavalier. C’est pourquoi, j’ai très vite du changer d’itinéraire, en roulant toujours sur la route asphaltée avec une centaine de mètres supplémentaires .
Le midi je reviens déjeuner à la maison. L’école considère que j’habite trop près (un quart d’heure à pied) pour rester avec mes camarades à la cantine. Maman a du batailler ferme auprès du directeur pour que je puisse venir à l’école en vélo et rentrer avec ma bicyclette dans la cour de récréation par une petite porte de service ouverte seulement pour moi à heure fixe…Je dois suspendre mon vélo debout à un crochet à l’entrée du préau. Et il est lourd ce vélo, même petit et rouge. Je fais tout de suite figure de petit canard ou de privilégié auprès de mes camarades, puisque j’ai une entrée privée.
A midi donc, je rentre à la maison. Je suis accueilli par des aboiements frénétiques et des battements de queues nerveux de ma chienne Louloute. Avant que mes parents arrivent, je mets la table et je prépare comme je peux le repas. Après manger, je repars avant eux de la maison. Mais quand elle peut maman par prudence m’accompagne à l’école à vélo….
Même si je reste à l’étude jusqu’à six heures du soir où je fais mes devoirs scolaires, Maman me fait faire d’autres exercices. Des dictées à n’en plus finir. J’aurai toujours des problèmes avec la grammaire. Mais j’aime lire…
Maman m’abonne à plusieurs hebdomadaires pour enfants : Vaillant, Pierrot et surtout Tintin qui va me suivre un certain nombre d’années. Je deviendrai plus tard un tintinophile presque éclairé.
Dés que j’en ai fini avec mes devoirs, si papa travaille encore dans son atelier je file, avant qu’elle ne soit fermée à la boutique de Mme Verneau. Sinon c’est papa qui y va.
Ce n’est pas loin, en bas de la rue, à coté de chez Vandier.
Avec ma laitière en fer blanc, j’y achète du lait et un peu d’épicerie. Mme Verneau verse dans ma laitière cabossée le lait qu’elle puise avec une grande louche dans un bidon Le dimanche matin, l’épicerie est fermée. Une camionnette stationne alors devant la boutique, et un
monsieur distribue le lait venu directement de la ferme…
Le lait est cru, il est bon, mais avant de le boire maman le fait bouillir dans une grande casserole. Pour ne pas qu’il déborde, maman y plonge un
anti-monte lait. C’est un rond en verre, comme un couvercle de pot de confiture….Quand le lait se met à bouillir, l’anti-monte lait se met à bouger fortement en produisant des chocs sonores dans
la casserole qui nous préviennent qu’il est temps d’arrêter le gaz…
A SUIVRE : Jeudi prochain : 1953- troisième et dernière partie.
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